La valorisation des marques culturelles est conçue dans une perspective excessivement nationale


En octobre 1997 ouvrait à Bilbao un musée original. Son nom était américain mais son financeur basque. Les administrations basques, qui souhaitaient revitaliser la structure économique du Pays basque et renforcer la visibilité de Bilbao avait en effet obtenu de la fondation Guggenheim le droit d’utiliser son nom pour ouvrir un musée dont elles financeraient la construction et l’agencement. Aux termes du contrat signé entre la fondation et les autorités basques, le droit d’usage du nom est accordé pour 20 ans, pour un prix de 20 M$. Plusieurs conditions ont été posées pour préserver la qualité de la marque : le musée doit investir un montant minimum dans l’achat d’oeuvres ; aucune redevance sur les produits dérivés n’est reversée à la Fondation afin que le musée puisse disposer de ressources suffisantes pour acquérir des oeuvres ; la Fondation apporte des compléments à la collection du musée et dispose d’un droit de regard sur la gestion interne des oeuvres. En quelques années, ce musée s’est imposé comme une référence. Compte tenu de ce succès, la fondation Guggenheim envisage de développer ce concept à Hong Kong, à Rio de Janeiro et à Abu Dhabi. La France n’a, pour l’heure, pas encore franchi le pas de la cession temporaire de marque, alors même que l’expérience américaine démontre pourtant qu’il est possible de concilier une politique de licence et la préservation de la réputation de la marque. Le projet actuel du musée du Louvre à Abu Dhabi pourrait à cet égard le confirmer dans les prochains mois. À cette première limite à la valorisation internationale des marques s’en ajoute une autre : l’insuffisance de structures de financement propices à la collecte de financements privés, en particulier étrangers. En effet, si la loi du 1er août 2003 a permis de faciliter le recours au mécénat, les musées français ne peuvent toujours pas recourir à un instrument de collecte de fonds privés qui a fait ses preuves aux États-Unis, les Endowment Funds. Les fonds de dotation permettent, par le placement des sommes collectées, de financer une partie du budget de fonctionnement d’un musée (ou d’une université). Dans le cas du MET de New York, les intérêts des sommes placées (1,5 Md $) couvrent aujourd’hui près de 25 % du budget de l’établissement. Outre la surface financière qu’ils offrent aux établissements, ces fonds présentent l’avantage, par rapport au mécénat classique, de mieux préserver l’autonomie décisionnaire des établissements : les dons n’étant pas affectés, il n’y a en effet pas de lien entre le financement d’une personne physique ou morale et ce qui a été financé (acquisition d’une oeuvre, opération de restauration ou de développement…). En France, la renommée des principaux établissements laisse escompter à moyen terme des perspectives de financement comparables. Les règles juridiques actuelles ne permettent cependant pas de constituer ce type de fonds, qui n’ont pas aujourd’hui de définition légale en France. Le statut des fondations demeure relativement éloigné de l’approche américaine : contrairement aux fonds de dotation, les fondations doivent en effet être indépendantes de leurs créateurs, ce qui signifie concrètement qu’un grand musée ne pourrait pas être l’unique créateur d’une fondation et ne pourrait pas le gérer de manière directe.