juin 20th, 2022
Les pollueurs font-ils la course vers le bas ?
Les écologistes craignent depuis longtemps que la mondialisation nuise à l’environnement en permettant aux industries fortement polluantes de migrer vers des pays aux normes environnementales laxistes. Cette colonne présente de nouvelles preuves de plusieurs industries dans de nombreux pays pour tous les principaux polluants. Cela suggère qu’une politique laxiste n’a eu qu’un faible effet sur le contenu polluant des échanges.
Pour les écologistes, la mondialisation qui se traduit par l’augmentation de la part des échanges dans le PIB mondial est inquiétante. La mondialisation est une préoccupation directe car l’activité de commerce elle-même génère de la pollution via le transport de marchandises (Hummels 2009 et Grether et al. 2010a), et une préoccupation indirecte car des normes environnementales plus faibles génèrent un avantage comparatif dans les industries « sales » pour les pays en développement ( Antweiler et al 2001).
Dans ce contexte, la mondialisation, qui réduit les coûts de transport et/ou les barrières commerciales, déplacerait les investissements et la production de biens « sales » vers le Sud. En conséquence, la mondialisation conduirait à une augmentation du contenu polluant des importations du Nord et à une augmentation mondiale de la production de produits sales – une théorie connue sous le nom d’« hypothèse du paradis de la pollution ». De même, la littérature a souligné qu’un durcissement des normes environnementales au Nord conduirait à délocaliser les industries au Sud selon ce que l’on appelle « l’effet paradis des pollutions ». Pour progresser dans l’identification de l’effet de paradis de la pollution, il faut un cadre global appliqué à de nombreux polluants, à de nombreux secteurs et à de nombreux pays.
Corrélation entre les termes de l’échange pollution et la rigueur environnementale
Relier un indice des termes de l’échange de la pollution – c’est-à-dire la teneur en pollution d’un pays par unité d’exportations par rapport à sa teneur en pollution par unité d’importations – à la réglementation environnementale fournit une perspective sur l’importance des effets de paradis de la pollution. À la suite d’Antweiler (1996), deux d’entre nous (Grether et Mathys 2010) ont calculé les termes de l’échange de pollution pour les émissions de SO2 en tenant compte des émissions directes et indirectes à l’aide de données d’entrée-sortie. Selon l’hypothèse du paradis de la pollution, dans une période de libéralisation des échanges comme celle des années 1990, les industries « sales » devraient avoir tendance à se déplacer vers des pays aux réglementations environnementales laxistes. La figure 1 trace les termes de l’échange de la pollution par rapport à un indice du régime de réglementation environnementale (Esty et Porter 2001) où des valeurs plus élevées indiquent un régime de réglementation environnementale plus rigoureux. Les points dans les quadrants supérieur gauche et inférieur droit correspondent à des schémas de spécialisation cohérents avec la vision des refuges pour pollueurs. Les résultats de la figure 1a sont cohérents avec un effet de refuge pour pollueurs, mais les changements au cours de la décennie des années 1990 dans la figure 1b ne confirment pas l’hypothèse de refuge pour pollueurs car la dispersion a de nombreux points dans les quadrants supérieur droit et inférieur gauche.
Figure 1. Termes de l’échange de la pollution et réglementation environnementale
Déterminants du contenu polluant des échanges
Les différences de réglementation environnementale ne sont toutefois pas le seul facteur influençant le contenu polluant des importations. Si les industries polluantes sont non seulement sensibles à la réglementation environnementale mais aussi à forte intensité de capital, elles auraient tendance à se localiser dans le Nord en raison de son abondance de capital (Copeland et Taylor 2003). Outre l’effet bien connu de la dotation en facteurs, d’autres facteurs profonds, notamment les coûts des transactions commerciales, doivent également être pris en compte. En supposant que ces déterminants entrent de manière multiplicative, Grether et al. (2010b) effectuent une estimation globale systématique du contenu polluant du commerce bilatéral dans tous les secteurs industriels pour dix polluants majeurs (voir la liste à la figure 2). Ces estimations sont ensuite utilisées pour décomposer le contenu polluant des importations en trois composantes :
un élément déterminant « profond » (c’est-à-dire la pollution incorporée aux importations qui se produirait pour des raisons sans rapport avec la politique et les dotations environnementales, par exemple les coûts commerciaux approximés par la distance ou le potentiel du marché) ;
un effet de dotation factorielle ; et
un effet refuge de pollution.
En raison des limites des données, nous avons supposé que pour tous les polluants (à l’exception du SO2 pour lequel des coefficients d’émission détaillés étaient disponibles), les émissions par unité de travail sont les mêmes dans tous les pays (voir Aichele et Felbermayr 2010 pour une application à la teneur en carbone du commerce) .
Dans l’ensemble, ces estimations suggèrent que l’effet paradis de la pollution représente une contribution plutôt faible au contenu polluant global des importations du commerce mondial, notamment en raison de facteurs de composition habituellement non pris en compte dans le débat. Les différences dans les dotations en facteurs et les politiques environnementales fonctionnent dans des directions opposées et, prises ensemble, elles n’ont que marginalement affecté le contenu polluant du commerce mondial même si, comme prévu, l’effet a été plus fort sur les flux commerciaux Nord-Sud.